Je me souviens… de la Révolution tranquille.

Je suis né en 1941, en plein milieu de la Deuxième Guerre mondiale.  Que d’années se sont écoulées. Un précieux savoir a germé comme une encyclopédie qu’on peut consulter dans la bibliothèque de ma vie. Hélas, les jeunes hésitent  à s’y référer. Ils ont souvent des idées nouvelles où règne l’absence de l’Histoire.

On m’a raconté qu’avant moi, nous étions sous la coupole de la colonisation anglaise et l’hégémonie de la colonisation cléricale de l’Église catholique.  Nous vivions sous l’égide des prêtres et  au rythme du calendrier catholique.  Grâce au curé de ma paroisse, la projection des films de cowboys a regroupé et enthousiasmé tous les enfants de la paroisse dont j’étais, car la télévision n’existait pas.

Je me souviens de ces longs défilés religieux qui arpentaient les rues de la paroisse. J’étais ce garçonnet impressionné qui les a tous toisés, assis sur la galerie de notre maison. En ces temps, la vie religieuse catholique nourrissait  avec ostentation cette ferveur des paroissiens.

J’avais onze ans quand la télévision est née. Il y avait un « avant » et un « après » à cette innovation spectaculaire qui bouleversera la vie de tout le peuple. Car on pouvait dorénavant voir nos artistes et nos champions, entendre nos chefs et nos penseurs. C’est alors que j’ai compris qu’une révolution naissait transformait nos institutions.

À la fin de la guerre, nous commencions déjà à concevoir la Révolution tranquille. Oui, j’ai grandi dans l’effervescence de cette révolution qui façonna une grande partie de ma vie et de mon pays.

Tout le système de l’éducation se métamorphosa en laïcisant la profession, faisant naître une éducation supérieure comme les collèges, les CÉGEPS et les universités dans toutes les régions en édifiant de multiples édifices pour sa poursuite. Une réalisation ambitieuse.

Tout le réseau de la Santé aussi se laïcisa et devint accessible gratuitement à toute la population. Une concrétisation idéale.

L’Agriculture subit une croissance en aidant les cultivateurs et rendant les produits plus accessibles aux consommateurs. La genèse d’un grand projet.

Sous l’impulsion de René Lévesque, la nationalisation de l’électricité permit d’apporter cette énergie dans les coins les plus reculés. Elle permit de bâtir une entreprise d’envergure internationale qui a enfanté une fierté nationale, soit l’Hydro-Québec.

Un autre premier ministre, Robert Bourassa, avec le soutien de l’Hydro-Québec, lança la construction du mégabarrage de la Baie  James, qui demeure encore aujourd’hui sur la scène internationale une réalisation des ingénieurs québécois.

Grâce au grand succès de la poésie et de la musique d’un Félix Leclerc, une kyrielle de poètes-chanteurs nourrirent de fierté le peuple québécois comme Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault, Claude Léveillée, Claude Gauthier, Robert Charlebois et une multitude d’autres. La musique, le théâtre, la danse, grâce à la télévision, vit de grands talents émerger.

Pauline Julien, Monique Leyrac, Michel Louvain, Ginette Reno  et  tant d’autres interprètes de la chanson française firent les beaux jours de la télévision, du commerce des disques et des Boîtes de nuit. En plus des créations populaires des Québécois, on y traduisit en français les plus grands succès américains.

Ce fut une période où il était facile de s’établir en affaires. L’entrepreneuriat québécois montra ses couleurs.  Sans compter que les Québécois devinrent  administrateurs des grandes compagnies en lieu des anglophones de Toronto. J’ai profité de ce moment  opportun  pour fonder mon premier journal régional hebdomadaire: mes premiers pas en affaires.

René Lévesque, chef du Parti Québécois, endossa le chapeau des Québécois et dirigea la province devenue l’État. Il soutint de nombreux changements grâce à une jeune équipe dynamique. La souveraineté du Québec devait passer par l’indépendance. Un premier référendum ne récolta pas assez de voix pour la réaliser. Mais il demeura le père de la Révolution tranquille et l’homme politique le plus marquant de l’Histoire de l’État.

Jacques Parizeau, son associé dans le grand débat, instaura des structures économiques  qui permirent aux Québécois d’avoir accès au monde des affaires et des finances en lieu des financiers torontois.

Camille Laurin, le ministre, a construit sa notoriété en instaurant, avec la loi 101,  la langue française comme la seule langue officielle au Québec. En plus, l’affichage doit dorénavant se faire avec la prédominance du français. Il faut reconnaître que ce fut l’action la plus importante au cœur de la Révolution tranquille. Surtout au cœur du Canada anglophone.  Il y a dorénavant  « AVANT » et « APRÈS » la loi 101.

Pour défendre la cause du français et de l’indépendance, de nombreuses manifestations, souvent brutales, ont surgi de partout sur le territoire. Il suffit de remémorer l’opération policière du Samedi de la matraque, du kidnapping et assassinat du député Pierre Laporte, et la loi des mesures de guerre que déclara Pierre-Elliot Trudeau, premier ministre du Canada, pour emprisonner les protagonistes du mouvement de l’indépendance.

Voilà, en un résumé concis, tout un bagage de mesures qui ont pris pour nom la Révolution tranquille. Une révolution importante qui fait partie intégrante de l’Histoire du Québec.

Je m’en souviens, j’y étais. Les Canadiens français que nous étions se souviennent de cette période qui mit fin à la colonisation anglaise. Cette période précédente où nous assumions notre rôle de porteur d’eau. Dans de nombreuses entreprises, nous devions converser en anglais entre nous parce que le patron était un anglophone de Toronto.

Que de chemin, nous avons parcouru durant cette Révolution tranquille. Un chemin dont profite la jeunesse d’aujourd’hui. C’est l’histoire que je raconte dans ce texte. J’ai  rencontré peu de jeunes qui la connaissent. Pour eux, la langue française est un acquis. À 81 ans, je désespère devant son déclin. Du radotage de p’tits vieux, disent-ils !

Plusieurs d’entre eux ne connaissent même pas le nom de René Lévesque. Il faut se battre pour promouvoir cette langue et la culture qui s’y rattache.

Il faut travailler fort dans son emploi. Le temps consacré aux loisirs ne vient tout seul. La richesse nécessaire pour profiter des loisirs exige de générer des revenus. Le bien-être qu’apporte aujourd’hui la Révolution tranquille risque de disparaître à vue d’œil. Tout comme la francisation.

Comme j’écrivais plus haut, ils ne connaissent pas cette histoire que je viens de raconter.

JE ME SOUVIENS, dit notre devise. C’est écrit sur les immatriculations des autos, mais aussi gravé sous les armoiries du Québec.  Cela veut dire que nous nous souvenons  du passé et de ses leçons,  du passé et de ses malheurs,  du passé et de ses gloires.

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