1 juillet 2024
Je me vois sur un silo. Oui ! Un de ces silos que l’on peut admirer à la campagne, sur les fermes. Élancé. Majestueux. Tout en hauteur. Je me vois donc debout sur un de ces silos
Et je regarde à l’intérieur.
Dois-je refermer le couvercle ou en extraire les pièces pertinentes et historiques qui feront partie de la mémoire de mon pays ? Et pourquoi pas, tout raconter et tout diffuser le savoir qui y trouve refuge, un savoir immémorial qui a pris naissance au début de l’humanité, qui a accompagné toute ma vie et qui perdurera jusqu’à la fin des temps !
Imaginez !
Une vie entière enfouie, qui se termine, mais qui ensemence la terre nouvelle !
Si, au contraire de ce scénario, je referme ce silo et que j’enfouis pour toujours l’être humain que je fus! Ensevelir mon existence dans l’oubli ! Pourquoi ne pas y mettre le feu ?
À moins de procéder autrement. Pourquoi ne pas sauver les trésors des ma vie qui s’y cachent pour la pérennité de cette vie ! Nous, les vieux, n’avons-nous pas la mission de transmettre… pourvu qu’il y ait une oreille à l’écoute
Nous, les VIEUX sommes responsables que ce flot des valeurs traditionnelles ait été brisé par le barrage de la célèbre Révolution tranquille. En fait, quelles sont ces valeurs traditionnelles dont il est question ? Ce sont les valeurs de durée, au cœur de toute nation. Ce qui inclut notre Histoire. Nationale. Et pourquoi ne pas y inclure les valeurs du sens de la vie avec une vision élargie orientée vers la suite du monde. Soit prolonger notre passé dans le futur : un concept qui ne semble plus être à la mode de nos jours.
Du haut de ce promontoire, de ce belvédère, je repère et remarque à l’horizon tous les silos des VIEUX de ma génération et même les plus élevés, ceux des nonagénaires. Oh qu’il y en a du «stock» dans tout ça. Chaque vie équivaut à un silo. Plein comme le mien. Qu’allons-nous faire de ce «stock» ? Allons-nous gâcher tout ce matériel. Tout ce savoir. Toute cette sagesse.
Et j’y vois les petits silos des trentenaires. J’aurais bien envie de leur transporter quelques meubles de mon silo pour combler l’espace disponible des leurs.
Les VIEUX doivent se faire entendre, mais encore leur faut-il une tribune, ou mieux des tribunes. Elles sont presque inexistantes ces tribunes.
Il faut aussi des VIEUX qui veulent prendre la parole. C’est pourquoi je m’adresse à eux en premier. Pour qu’ils emboîtent le pas ! J’imagine des VIEUX écrivant des livres, écrivant dans des blogues et frappant à la porte des tribunes !
Suis-je de plus en plus utopiste à mon âge ? Moi, qui me suis lancé dans la baignoire il y a dix ans, en publiant un livre, où je lègue mon héritage. Et, depuis lors, je rédige un blogue, ce blogue que vous lisez. Et j’ai aussi donné des conférences.
Autrefois, les vieux racontaient leur savoir au milieu de leur famille devant des jeunes qui réclamaient leur savoir. Aujourd’hui, même le respect dû aux vieux est remis en cause. Et la transmission du savoir est devenue du radotage de p’tits vieux.
À 30 ANS : L’IMAGE DE LA VIEILLESSE.
Comment un jeune de 30 ans peut-il avoir une opinion respectueuse des vieux si l’image qu’on leur transmet en est une de dégénérescence. À force d’amalgamer dans les médias presque systématiquement vieillesse et maladie, vieillesse et Alzheimer, vieillesse et souffrances, vieillesse et maltraitance dans les CHSLD, on finit par y croire dur comme fer.
Or les vieux ne sont pas des malades. Il y a beaucoup de malades aussi chez les jeunes. Mais la vieillesse n’est pas une maladie.
Même les vieux n’aiment pas la vieillesse, ils propagent les mêmes stéréotypes qu’ils avaient à 30 ans, rêvent de se rajeunir, d’enlever 10 ans à leur peau, quand l’intérieur du corps continue à vieillir normalement.
Aujourd’hui, la vieillesse est une longue période active de la vie. Au moment de sa retraite, un homme en santé peut entrevoir d’allonger de 22 ans sa vie active avant que les signes de dégénérescence puissent devenir handicapants. Les statistiques démontrent qu’une femme a 26 ans devant elle. Et que 90 % des vieux entre 60 à 80 ans profitent de la vie à l’âge où leurs parents étaient déjà morts. Il n’y a pas si longtemps, on décédait après la retraite entre 65 à 70 ans. Aujourd’hui, on peut aspirer à une vie active jusqu’à 85 ans et même plus.
Il fut un temps où Napoléon devenait général à 22 ans, empereur à 30 ans et décédait à 52 ans. Comparons cette courte vie napoléonienne à la longue vie qui nous attend. En bonne santé ! Toute notre vie a été structurée et imaginée en fonction d’une vie brève et erronée. Alors que tout devrait être passé au tamis en vue de préparer une vieillesse de longue durée. Pour cela, il faut se préparer à un long déjeuner prolongé avec soi-même.
Malgré les p’tits bobos, les vieux d’aujourd’hui ont une autre vie après la vie adulte, la vieillesse, une longue belle vie. Pourquoi n’est-ce pas l’image que les « vieux › devraient projeter ?
UNE VIEILLESSE HEUREUSE.
À 30 ans, on regarde la vieillesse comme une tare stéréotypée. Si on pouvait l’éviter. Et on transporte ce vieux cliché jusque dans notre vieillesse. On se voit, on se regarde encore comme on jugeait les vieux…quand on avait 30 ans. On regarde notre vieillesse avec les yeux de la jeunesse de notre époque, il y a 30 ans. On transporte les idées reçues si pauvres et étriquées qu’elles ne nous permettent pas de nous rendre compte de notre propre vieillissement heureux. Il faut se tenir loin des stéréotypes négatifs sur la vieillesse que nous avons véhiculés erronément toute notre vie. Le risque est grand de passer à côté de notre vieillesse heureuse.
CLAUDE LEGAULT
Une de nos vedettes nous a livré publiquement un beau témoignage ! Claude Legault déclara en recevant le prix Artis 2013 pour le meilleur comédien de l’année.
Je le cite : ‹ c’est un privilège de vieillir, › ‹ Et j’espère vieillir devant vous comme un bon vieil acteur ›, a-t-il ajouté. Il avait 50 ans à ce moment.
Se peut-il qu’on puisse rêver de devenir vieux ? Oui comme Claude Legault. Que les vieux eux-mêmes cessent de dénigrer la vieillesse, cessent d’en avoir peur et de transmettre cette peur. Il y a du bonheur à être vieux. À condition de célébrer et de valoriser la vieillesse !
LE VIEUX POMMIER
Ce n’est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes, disait Félix Leclerc
Claude Bérubé