C’était en 1991, je crois, que le premier WALMART s’est installé au Québec. Vous souvenez-vous du tollé, que cela avait provoqué ? Cette entreprise américaine qui est devenue la plus grande entreprise actuelle au Canada n’aurait pas pu faire son entrée au Québec sans en bouleverser le paysage.
Je me souviens de la peur et des inquiétudes que cette nouvelle avait suscitées au sein de la population et des marchands, bien sûr. Des manifestations dans les rues s’étaient élevées pour s’opposer à la présence d’un Walmart qui allait tuer et faire fermer les petits commerces que les Québécois encourageaient depuis toujours.
Beaucoup de commerçants, en groupe, se rendirent à Plattsburgh pour voir c’était quoi un Walmart. Nos détaillants craignaient les « méthodes prédatrices » de Walmart qui avait la réputation de s’installer dans les petites villes et de faire fermer tous les commerces.
« Les politiciens ont craint l’arrivée d’une forme d’impérialisme américain, une dépossession de l’unité nationale ».
Aucun autre détaillant américain n’avait encore orchestré une telle expansion au Canada.
Aujourd’hui, 68 magasins Walmart au Québec emploient 1300 employés.
Mercredi dernier, j’ai fait une tournée de magasins dont un Walmart pour trouver un article particuliers sans succès. L’immense stationnement du Walmart était plein et il y avait une armée de consommateurs à l’intérieur.
J’ai même visité un Costco dont le vaste stationnement était aussi pleinement occupé et, là aussi, une armée de consommateurs déambulait dans les multiples allées.
J’ai constaté que les plus petites entreprises inscrites à ma tournée ne regorgeaient pas de clients.
Cela a provoqué chez moi des réflexions comme quand on additionne les foules de consommateurs dans les 68 Walmart et les multiples Costco, il en reste combien pour les petites boutiques.
En fait, ce sont les Québécois eux-mêmes qui ont développé l’achalandage profitable des entreprises américaines que sont les Walmart, les Costco et les autres. Et qui ont voué à la faillite et à la fermeture tellement de boutiques d’entrepreneurs québécois.
En jetant un coup d’œil rapide sur les enseignes devant les commerces actuels me permit de réaliser que la plupart des franchises de chaînes sont nord-américaines et même internationales. Très peu de saveur locale.
Oui, il y a eu une révolution depuis l’arrivée de Walmart en 1991. Les façades québécoises sont remisées. Nos gens d’affaires sont devenus plutôt des franchisés. Oui, Walmart a eu raison de nos petits commerçants. Même des grandes surfaces étrangères comme Wise, Peoples, Woolco, Eaton, K-Mart, Kresge ont quitté la scène.
Les consommateurs québécois les ont délaissés pour adopter les Walmart, les Costco et les autres. C’est nous qui avons ouvert la porte aux entrepreneurs étrangers
Canadian Tire, qui a eu peur, a su tirer son épingle du jeu en élargissant sa gamme de produits. On y trouve aujourd’hui une plus vaste sélection de produits nettoyants, d’articles pour la cuisine et d’équipements sportifs. En modifiant sa méthode de marketing, cette entreprise a réussi à conserver sa place parmi les grands.
Aujourd’hui, de multiples conférences attirent des milliers de personnes pour étudier le phénomène Walmart. Ça peut sembler paradoxal, mais finalement, ça a bénéficié au secteur des détaillants qui a été forcé de s’améliorer, de se restructurer. Ça a amené une plus grande discipline et un plus grand contrôle dans les organisations, disent les experts.
Deux décennies après l’ouverture de son premier magasin au Canada, Walmart provoque encore de sérieuses secousses chez les détaillants. Ces temps-ci, ce sont les supermarchés d’alimentation qui subissent le plus la vive concurrence du mastodonte américain en raison de la multiplication des Supercentres Walmart.
En 2014, Walmart a investi 500 millions de dollars au Canada pour lui permettre notamment d’inaugurer 35 magasins avec épicerie complète. Le Québec en compte maintenant 26. Au total, 1 million de pieds carrés furent ajoutés dans son éventail, ce qui mettra encore plus de pression sur les trois grands épiciers que sont Loblaws, Sobeys et Metro, étant donné la faible croissance de la population.
« La madame était contente » est une expression créée par Walmart et qui s’est insérée dans le langage populaire.
Comme vous pouvez le voir, Walmart a bouleversé le monde des affaires au Québec, mais aussi dans le monde. Les inquiétudes de 1991 se sont avérées exactes. Y avons-nous gagné ? Oui, sur certains aspects. Non sur certains autres.
J’ai écrit plus en avant que « Les politiciens ont craint l’arrivée d’une forme d’impérialisme américain, une dépossession de l’unité nationale ». Je crois que cela est vrai.
L’arrivée d’Amazon et de sa vente en direct vient encore ajouter à cette dépossession. Nous en sommes tous responsables en embarquant à pieds joints dans leurs stratégies. Je pense aux Google, Meta, et autres qui deviennent plus puissants que les gouvernements. Ils contrôlent nos modes de vie et les modifient. Ils nous apportent des plaisirs et nous détruisent en même temps.
Je vois un monde dominé pour le futur. La perte de nos cultures générationnelles est évidente. Les êtres humains semblent vouloir jouer dans ce plan où les dépendances remplaceront nos libertés.
Les jours devant moi sont plus restreints. Je n’y serai donc pas. J’ai vécu dans un monde imparfait mais perfectible où les rêves et les libertés ont nourri nos aspirations. Sera-ce le sort de ce monde futur ? J’en doute.
Claude Bérubé
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