Je suis persuadé que le pays dont j’ai tant rêvé ne se réalisera pas. Le nationalisme des années 60 s’essouffle. Le déclin est déjà amorcé. Les natalités ne permettent pas aux nationalistes de l’époque de se renouveler suffisamment. Notre nationalité actuelle n’aura été que l’œuvre de nos ancêtres.
Le nationalisme ethnique perd de son importance puisque l’immigration occupe de plus
en plus l’espace. Nous devrons peu à peu partager le territoire avec d’autres ethnies disparates. Avec l’affluence intensive des immigrants, l’importance Canadienne française et Québécoise se traduira seulement comme une culture parmi tant d’autres. D’autant plus que l’anglicisation se faufilera en tant que la langue de communication et de rapprochement entre les ethnies qui formeront la courte pointe.
Nos gouvernants actuels orientent les politiques vers le multiculturalisme où chacune des multiples cultures peut se développer à son rythme côte à côte dans des enclaves ethniques qui deviendront à divers degrés des ghettos.
Je perçois le multiculturalisme futur comme un grand « parking » de ghettos, d’enclaves ethniques. La nationalité canadienne sera une nation géographique avec une multitude de cultures diverses. Un puzzle à de multiples pièces. Une tour de Babel aux langues dissemblables, comme cela se produit dans tant de pays, avec les connaissances que l’on connait.
Je ne rêve plus d’une nation ethnique, mais plutôt d’une nation culturelle sans les frontières des enclaves. Surtout pas d’une nation géographique où je partage un territoire où trop de gens n’ont aucune affinité avec cette culture que j’habite, avec des gens qui n’ont rien en commun avec moi sinon un territoire.
La mondialisation amène les nouvelles générations à vouloir conquérir le monde, à sauver la planète délaissant l’histoire locale et nationale.
Le monde électronique s’insinue dans nos mœurs au point de les transformer, de modifier nos comportements et la structure même de la pensée.
Il ne faut qu’un geste visionnaire. Je rêve d’un métissage où chaque culture apporterait sa couleur à la dominante. L’accueil des nouveaux arrivants doit être une offensive.
Autant il importe qu’ils séduisent leurs hôtes afin de laisser tomber la xénophobie, soit des rapports plus sains de relations humaines. Autant une forme de séduction de notre part doit s’inscrire dans le processus de les charmer afin qu’ils se métissent en y apportant contribution et couleur. Encore faut-il bien connaitre sa propre culture.
La séduction est la seule arme pour les convaincre d’adhérer à la nation dominante, à ses valeurs, à ses lois, à ses us et coutumes plus libres, à une vie meilleure et à l’accès plus aisé aux idées modernes et à sa richesse.
Ces nouveaux adhérents pourront, en contrepartie, étoffer, colorer, et contribuer à l’évolution de cette culture récente qu’ils ont accepté d’héberger en eux avec beaucoup d’espoir et d’enrichir cette langue en perpétuelle évolution.
La langue française a seulement environ cinq cents d’existence. Les citoyens de la France de l’époque ne la parlaient pas. Elle était l’apanage de la cour du roi. Pourtant nos ancêtres la parlèrent avant les Français eux-mêmes. Elle est si jeune et toujours en évolution.
Il est dans l’ordre des choses qu’elle se métisse encore plus. Ne s’est-elle pas inspirée de mots latins, grecs, arabes, anglais et pleins de régionalismes pour s’embellir ? Comme dactylographe, apothicaire, maximum, algèbre, courriel et poudrerie ! La France elle-même est le résultat d’un métissage même récent. Pourquoi pas nous et notre langue ?
L’alimentation est un canal prioritaire pour s’adapter, s’intégrer et se métisser. Je rêve de ce jour où nos visiteurs inséreront à leur alimentation le pâté chinois et le sandwich ‘toasté » aux tomates, salade, mayonnaise et la poutine et que dire du fameux sandwich à la viande fumée qu’ont importé, il y a près d’un siècle, ces juifs de l’Europe de l’Est comme Ben’s (1908 Lituanie), Swartz (1928, Roumanie) et Dunn’s (1927).
La nouvelle culture métissée, à laquelle nous appartiendrons tous, insérera le couscous et les tajines à son menu, tout comme les épices indiennes, les rouleaux de printemps, le bun oc vietnamiens, le bortsch hongrois, les sushis japonais, le jambon aux atocas, les golbki polonais, les saucisses allemandes, les multiples pizzas, les BBQ américains, etc.
Les nouveaux Québécois joindront-ils la cohorte des partisans des Canadiens et de l’Impact, ainsi qu’à la télé, au cinéma, aux livres etc. S’investiront-ils dans le bénévolat, la meilleure activité pour mieux connaitre et comprendre les hôtes et surtout se fondre dans la nouvelle culture ?
La nation du Québec se transformera et s’enrichira grâce à l’influx et à la coloration des autres cultures. Pour endiguer les ghettos et les enclaves ethniques, il nous faudra nous métisser. Seule passe. Seule avenue. Nous assisterons à la création d’une nouvelle nation : la québécitude ou la québecité.
Loin du multiculturalisme qui engendre la ghettoïsation et le vivre « différent », « côte à côte », le métissage ou l’interculturalisme tissera un seul peuple en perpétuelle évolution créative, originale et accueillante. La nation québécoise en Amérique du Nord sera alors très différente de la nation française européenne et de toute autre nation avec une culture et une langue réinventées et surtout personnelles.
En 2030, la planète comptera 8 milliards d’habitants soit une population toujours croissante qui engendra une migration plus intensive vers les pays plus riches et moins peuplés et accueillants comme le Canada et bien sûr le Québec en particulier. Sans oublier que la crue des eaux occasionnée par réchauffement climatique fera disparaitre bien des îles et bien des pays.
S’ils se joignent à nous, la société dominante grandira et métissera tout ce monde en un seul peuple, les nouveaux Québécois. S’ils s’installent dans des ghettos, ce sera l’enfer. La tour de Babel.
Il est possible de bâtir le Québec de demain et de célébrer l’invention d’une nouvelle culture qui deviendra la nôtre à tous.