Nos jeunes n’ont pas de mémoire.

En observant l’arrière de nos automobiles, je remarque sur nos plaques d’immatriculation les trois mots suivants : JE ME SOUVIENS. Quand je demande ce que ces mots veulent dire, j’entends beaucoup de…EUH! Surtout de la part de nos jeunes qui n’ont pas de mémoire.

 Ils sont rares ceux qui peuvent discourir sur notre Histoire et notre passé.  En fait, on ne se souvient pas !

Quand je regarde certains reportages étrangers à la télévision,  la connaissance approfondie de l’Histoire de leurs pays me laisse interloquer.  Même chez les très jeunes.  J’ajouterais que lorsqu’ils émigrent au Québec et qu’ils s’expriment sur les hauts faits de leur pays d’origine, ils les racontent éloquemment.  D’autre part, ils connaissent peu les péripéties de l’histoire de ce pays qu’ils adoptent.

Par contre, nos jeunes ont la mémoire courte.  Bien souvent, ils ignorent même qui est René Lévesque. L’Expo 67 est un événement dans le brouillard de leur savoir.  Les Jeux olympiques se résument à un nom, celui de la grande championne Nadia Comaneci.  Bien sûr, je généralise.  À l’encontre, je découvre bien des jeunes qui me surprennent avec un discernement plein d’acuité de notre Histoire. Pourquoi  eux ?

À ces jeunes ignorants de notre histoire, j’oserais adjoindre ceux qui ont la cote des interviewés à la télévision, soit beaucoup d’humoristes et de comédiens.  Ils savent faire rire, mais disent bien des âneries quand il s’agit de faire des références à l’Histoire.

Comment aimer son pays quand  les réminiscences à nos origines sont caduques. Il  faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on  va. L’Histoire constitue une matière importante qui doit être enseignée à l’école. Je le souligne parce que ce n’est pas toujours le cas. Il est parfois proposé parmi des options.  Est-ce suffisant ?  On propose à l’école tellement de sujets à être enseignés que l’Histoire devient trop souvent un choix parmi tant d’autres.

De plus, le nombre d’historiens augmente tellement au Québec que l’Histoire du pays prend des détours parfois incongrus et des facettes aux multiples couleurs. L’importance de certains événements peut être différente d’un historien à l’autre.

Il faut aussi savoir l’enseigner. Quand un de mes petits fils m’affirme avoir bifurqué vers l’Histoire internationale plutôt que québécoise ou canadienne parce que le professeur était ennuyant. Je ne saurais trop exprimer la tristesse qui m’avait envahi à ce moment-là.

Quand on devient octogénaire comme moi, il est évident qu’on a vécu soi-même une partie de l’Histoire de notre pays.  Il est attristant quand un jeune atteint le niveau universitaire et ne connaît pas les méandres de notre Histoire.  Et surtout celles que j’ai vécues.

Je me rappelle des cours d’Histoire de mon enfance. Les livres d’Histoire étaient conçus par les religieux et les événements racontés avaient une coloration de conversion religieuse des autochtones qu’on appelait des sauvages, des païens à l’époque.  Les héros portaient bien souvent la soutane.  Certaines tribus leur étaient plus sympathiques et se convertissaient. Selon mes souvenirs, certaines peuplades  s’affrontaient  à cause du pouvoir que conférait la religion.  Les autochtones d’aujourd’hui pourraient nous offrir leur version actualisée.

Il y eut aussi les affrontements  entre Français et Anglais. Les uns étaient catholiques et les autres protestants.  Aujourd’hui, je réalise que n’eut été des religieux catholiques, nous ne parlerions pas la langue française au Québec.

Je me souviens dans mon enfance, les Français devaient parler anglais entre eux dans les grandes entreprises parce que les patrons anglophones souhaitaient comprendre les conversations.  « Speak white »  clamaient-ils. Ils étaient patrons partout d’ailleurs, nous étions les simples ouvriers, les porteurs d’eau comme on disait.

Si les plus jeunes connaissaient ce pan de l’Histoire, ils comprendraient  pourquoi nous défendons avec un tel acharnement la langue française.

Je me souviens aussi, dans mes jeunes années, à Trois-Rivières, la très grande piscine municipale était séparée en deux avec des bouées. Un côté pour les femmes et les hommes de l’autre côté. Une exigence imposée par l’évêque du diocèse.  L’emprise de l’autorité religieuse contrôlait une grande partie de notre vie quotidienne.

Si les plus jeunes connaissaient ce pan de l’Histoire, ils comprendraient pourquoi  nous défendons avec un tel acharnement la laïcité dans l’espace public.

La Révolution tranquille a remis les pendules à l’heure.  Il y eut plusieurs manifestations très vindicatives  pour permettre aux Québécois francophones de changer les incongruités qui plombaient notre nation et prendre les commandes.  Cette minorité française au cœur d’une mer anglophone a vu éclore une nation avec une culture différente et influente. Le Québec a changé. Il a acquis des lettres de noblesse que lui envie la majorité anglophone qui l’entoure.  C’est pourquoi les attaques perfides sont incessantes.

Ma génération qui a vécu et façonné une partie de la trajectoire de cette Histoire a atteint l’essoufflement  de l’âge et aimerait bien voir ses descendants poursuivre cet élan et contribuer à l’essor des cette nation.

Sans la connaissance de l’Histoire de notre implantation sur ce sol à aujourd’hui, il me semble que le futur ne connaîtra pas une suite logique à ce passé productif.

Plusieurs étapes ont marqué toute cette période. Il y eut l’Histoire  de la découverte du territoire par les Français et par les Anglais, il y eut l’Histoire avant la Révolution tranquille, il y eut la Révolution tranquille, il y eut la loi 101 qui promulgua la langue française puis il y eut deux référendums pour atteindre l’indépendance du Québec.

Les jeunes sont plus ouverts à la diversité.  Mais plus timides face à la langue et la culture françaises. La campagne en faveur du climat et de l’écologie les interpellent plus passionnément. Ils ignorent que les bienfaits de notre société actuelle sont grandement le résultat de batailles du passé. Ils ne sont pas sensibles à la fragilité de ces acquis.

Il ne reste plus aux vieux que nous sommes le rôle de spectateurs impatients de voir la suite de l’Histoire et ce qu’on fera de notre legs.

CLAUDE BÉRUBÉ

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