Un projet de société : l’amour de la langue française.

Né en 1941, j’aurai vécu 80 années en septembre prochain. J’aurai vécu toutes ces années turbulentes qui ont façonné toute la culture française et surtout la langue française. Sous l’emprise des Anglais et de leur langue, il a fallu peiner avec un tel acharnement pour se libérer de ces liens de dépendances.

Que de démonstrations parfois violentes sur la voie publique ont permis de faire des gains stratégiques. Il fallait baragouiner la langue anglaise entre nous, les français, pour avoir un travail subalterne parce que les patrons anglais l’exigeaient. Un phénomène qui semble revenir.

Du joual au franglais.
On avait baptisé de « joual » ces mots qui colorent la façon de parler le français comme « Chu ben icitte asteure » et de « franglais » qui abâtardit notre langue avec des  mots empruntés de l’anglais « bumper, brake, windshield, boardwalk, street, parker son char, remplir le sink de vaisselle » au lieu des mots dits français. Notre langue française en avait pris un coup.

Voilà pourquoi je suis si fier de la montagne que nous avons  escaladée pour atteindre un haut niveau culturel et linguistique. Nous avons vu naître une panoplie d’artistes qui nous ont faits découverts un beau côté de nous. L’éducation a pris du gallon pour faire de nous des gens instruits et nous offrir des chefs dans tous les domaines. Nous avons même rêvé de nous offrir un pays.

De la loi 101 à la loi 96.
La loi 101 fut la charnière d’un avant et d’un après. Une réussite charcutée par les Anglais et leurs lois désavantageuses. Et voilà que notre gouvernement nous propose la loi 96, un prolongement de cette loi, pour combler ses lacunes et rafistoler les brèches des assauts du clan anglophone et canadien.

Malgré ces années glorieuses, la langue française est à son déclin au Québec et surtout à Montréal. Évidemment, la nation québécoise française est en diminution à cause des naissances. Son poids démographique sur le territoire du Québec rétrécit à vue d’œil.

Pour parer à ce déclin, le gouvernement Legault a fait naître cette nouvelle loi 96. Malgré l’étendue de cette dernière, l’expérience de mon vieil âge  me permet d’y déceler trois absences importantes.

Premièrement.
Depuis la loi 101 en 1977, quelle est la proportion des Anglais du Québec qui ont appris la langue française ? Le bilinguisme est une médaille à deux revers surtout quand on vit sur un territoire où la langue française est officielle. Pourquoi faut-il s’adresser à eux en anglais ? Quels efforts  avons-nous faits pour leur faire aimer notre langue et la partager ? C’était une mission où nous avons failli. Les Anglais ont le droit de sauvegarder leur langue anglaise, mais pourquoi ne sont-ils pas bilingues comme ils le demandent aux francophones ?

Les statistiques démontrent que le bilinguisme a augmenté au Canada entier, mais, seuls, les francophones du Québec en sont responsables, pas les Anglais. Ces derniers proclament pourtant une partie de Montréal et le sud du Québec, territoires multilingues où l’unilinguisme est roi et maître. Il y a donc deux Québec selon eux, dans les faits, et rien dans la loi 96 ne souligne le contraire.

Deuxièmement.
La jeunesse privée de l’étude de notre histoire et de celle de sa langue n’a  pas développé un amour particulier pour le respect de sa langue maternelle et accorde un intérêt pragmatique à l’égard de la langue anglaise. Il suffit de voir se répandre un «  » franglais » accompagné d’un « joual » dans leur conversation usuelle et dans leur  communication internet.

J’ai emprunté les lignes suivantes à Hugo Dumas, chroniqueur à la Presse, lors de sa critique de la nouvelle émission Les Petits Rois, une histoire qui met en scène des élèves de cinquième secondaire d’un collège de Montréal. Dans la série, les jeunes acteurs ont recours à ce franglais dans les dialogues pour la crédibilité d’un récit.

On y conjugue jamais les verbes anglais qu’on insère dans des  phrases en français comme Yo,  for real,  je l’ai ditch.  Sorry, j’ai overreact.  Fuck, j’ai été kick out !  Dude, y va slide dans tes DM !

Et voici ce dialecte que vous entendrez dans la nouvelle série de Radio-Canada. Des followers,  une dick pic, je l’ai get,  un fan base, des pop sockets,  est-ce que tu care,  du self-love,  c’est crazy,  broke as fuck,  c’est vraiment wack,  se faire ghoster,  c’est insane.

Tous ont le cellulaire greffé à la main, et Instagram – IG, (à prononcer à l’anglaise) – est leur réseau social de prédilection. En plus  des dizaines de milliers d’ados et de Z parlent en mélangeant ainsi les deux langues, et pas uniquement à Montréal.

Est-ce l’idéal pour notre langue française ? Bien sûr que non.

Et la loi 96 n’en a cure.

J’imagine les étudiants immigrants qui les côtoient tentant d’assimiler, de comprendre et d’apprendre la langue française.

Hugo Dumas termine ainsi :  yo, c’est pas le temps de skip, je l’ai tellement binge, c’était sick.

Troisièmement.
La question de l’immigration me chatouille beaucoup et j’aurais aimé qu’elle chatouille aussi la loi 96. Je sais que nous avons besoin d’immigrants qui s’intègrent à notre culture et qui adoptent notre langue. Munis de ce bagage, je leur souhaite de trouver un travail à la mesure de leurs talents et qui leur permettra de grandir parmi nous. Mais encore faut-il que nous les accueillions adéquatement. C’est plus facile s’ils parlent déjà français. S’ils parlent l’anglais, je ne serais pas surpris qu’ils joignent la communauté anglaise du sud du Québec. Une grande déception.

Il est évident que les nouveaux immigrants ne parlant pas le français ont tendance à flirter avec l’anglais, une langue plus facile d’apprentissage et qui leur ouvrira les portes aux jobs subalternes du sud anglophone du Québec. Le beau risque qu’ils joignent la communauté anglophone.

S’ils ne parlent ni le français ni l’anglais, imaginez leur désarroi devant une culture si différente et une langue nouvelle à apprendre. Il faudra au moins deux à trois ans pour atteindre une autonomie. Que se passera-t-il ? Que ferons-nous pour en faire des citoyens à part entière. Il faut plus que quelques cours de français.

Vous vous souvenez qu’au début du mandat de la CAQ, l’immigration faisait la manchette. Vous vous souvenez que la CAQ voulait réduire de 20,000 le nombre d’immigrants pour le porter à 40,000 afin de mieux s’occuper de ces derniers pour en faire de meilleurs Québécois francophones.

On se souvient qu’il y avait déjà une pénurie de main d’œuvre. L’opposition, tels le Parti libéral, la Chambre de Commerce et le Conseil du patronat, arguait qu’il fallait attirer au moins  60,000 immigrants, sinon plus, pour augmenter le bassin de travailleurs. Peu importe la qualité des nouveaux arrivants.

Donc, plus d’immigrants ce qui signifie qu’on aura une plus grande difficulté à prendre soin d’eux, selon la CAQ.

Je suis d’autant plus surpris que l’immigration et le quota ne soient pas au centre de la nouvelle loi 96 proposée par la CAQ. Sans oublier un plan d’insertion à la culture, à l’histoire et à la langue.

Je suis aussi surpris que ces trois éléments que je décris dans ce texte n’aient pas eu une place dans la loi 96.

 

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