Noir. Tout est noir. Tout le monde est noir. La mode du noir est à son summum et très généralisée. La personnalité de chacun trouve son compte dans le noir. L’arc en ciel de couleur peut prendre un repos, tout est noir. Sans oublier le jean bleu foncé délavé et même troué qui est supposé dévoiler le caractère de tout un chacun. Le noir et le jean sont à la mode.À mon retour au pays en 2006, après une absence de 8 ans, , vous ne pouvez imaginer le choc. Je me serais contenté d’un appareil de télévision en blanc et noir, car tous les artistes et les invités portaient et portent encore le noir, avec une touche de denim délabré et des Adidas blanc et noir. Veston, chemise ou chandail noirs et rares cravates noires itou ! Dans les galas, on s’imaginerait assister à une cérémonie funéraire. Ou on dirait que certains artistes viennent de changer l’huile du moteur de leur auto. La couleur est tellement rare qu’elle fait briller celui ou celle qui ose la porter. À ce noir, s’ajoutent parfois les couleurs terre, éteintes et sans éclats. Au-delà des artistes, il en est de même dans la vie quotidienne de la population. Cette mode représente-t-elle une période généralisée de morosité, de tristesse, de dépression ? Je veux bien admettre qu’un vêtement noir évoque un aspect chic, mais quand tous le portent, on ressemble plus à une colonie de pingouins.
Pour des raisons professionnelles, j’ai assisté en une année à une quarantaine de spectacles. Je peux affirmer que la presque totalité de nos artistes est habillée en noir. Imaginez un chanteur vêtu en noir et en denim délavé devant un orchestre où les musiciens arborent des chandails noir et devant un grand rideau noir. On cherche l’artiste. Je ne blague pas. Comment est-ce possible que nos artistes craignent de se différencier et de porter des habits ou costumes de scène ?
Je n’exagère pas quand je dis que « la presque majorité » porte le noir comme si c’était un costume de groupe. Ne serait-ce normal et une simple politesse qu’un artiste mette ses plus beaux atours pour rencontrer son public. Les plus grands artistes ont tous porté des habits de scènes qui les rendaient uniques. Le public aime admirer son artiste qui scintille sur la scène, non celui qui se confond avec le décor. Outre le costume identitaire, tous en noir signifie un manque d’imagination et que l’effort créatif est fort minimal au Québec. Sur scène et la télé, on s’habille comme à la ville.
Il me semble que cette insistance du port du noir et du denim délavé et souvent troué ne facilite pas le besoin ou le désir de mettre en évidence la personnalité de celui ou celle qui le porte.
Bien sûr qu’à mon âge, j’ai traversé de nombreuses modes éphémères. Est-il nécessaire de rappeler que j’ai vécu la période colorée de la mode et même celle des cheveux longs? Est-il aussi nécessaire de souligner que nous ne portions pas tous la même couleur ? Mais comme toute mode, elle n’est qu’une tendance transitoire dans le temps. Le temps d’une décennie. Je prédis que les couleurs réapparaitront vers 2015. Mais l’engouement du dernier cri, comme celle du noir et du denim, démontre notre propension vers l’uniformité des membres d’une même communauté, comme le désir de porter un costume qui nous identifie à cette communauté. Tout à l’encontre de notre prétention d’afficher notre singularité, notre individualité et notre personnalité.