Le journal papier est-il en train de disparaître ? x

Maintenant retraité à la suite d’une longue carrière comme propriétaire-éditeur de journaux régionaux, je vois nostalgiquement la tourmente que doit affronter la presse papier. L’apparition de la technologie numérique change bien des comportements au chapitre de la lecture et de la publicité. Plusieurs gourous prédisent la déchéance du papier journal au détriment du web.

Je ne suis pas aussi défaitiste. Les journaux de demain devront être différents grâce à l’innovation pour apprendre à vivre à côté du numérique et conserver l’attrait de l’imprimé renouvelé. Le web avec toute sa technologie sera un autre média puissant qui s’ajoutera dans la mosaïque médiatique. À l’exemple de l’histoire qui suit.

 

Lorsque la télévision est née, il était de notoriété que la radio ne survivrait pas.  Ses artisans ont roulé leurs manches. Après quelques  années de difficultés, en passant de la bande AM à la bande FM, elle a acquis de nouvelles lettres de noblesse. Aujourd’hui, elle fait partie largement de notre vie quotidienne.  Parce que la radio a refusé  de disparaître.

 

Résultat : la télévision traditionnelle a aussi grugé, à tous les médias y compris la radio, la place importante qu’elle occupe aujourd’hui.  On se questionne déjà sur l’avenir de la télévision face à l’arrivée de la nouvelle technologie numérique qui se pointe le nez comme un géant, un monstre.  La télévision traditionnelle  survivra si, comme pour la radio, ses artisans refusent de la voir disparaitre.  Mais, jusqu’à maintenant, elle semble vouloir baisser les bras et se fondre dans le monstre.

 

L’imprimé a les deux pieds dans le même branle-bas.  Plusieurs grands quotidiens ont largué les amarres du papier journal pour se convertir à la technologie numérique comme support.  C’est le cas de La Presse +.  Et voilà que le gouvernement provincial subventionne à la hauteur de 10$ millions de dollars six quotidiens régionaux pour leur faciliter la transition au numérique.  Sans oublier la subvention de 500,000$ allouée au Devoir pour le même passage. Outre le Journal de Montréal pour l’instant. Voilà comment un gouvernement réduit les ardeurs pour la survie du papier journal.

 

Je ne souhaite pas que le passage au numérique signifie de réduire à néant l’usage du papier journal ! La seule baisse des lecteurs entraine une baisse publicitaire. Une baisse même minime des revenus publicitaires peut compromettre  la viabilité d’un média papier. Avec comme résultat, que ce soit le journal, le magazine, le livre, cela  pénalisera toute l’industrie du papier journal si prédominante au Québec. À partir de  la forêt aux immenses rotatives des imprimeries ! En affectant toutes les entreprises connexes ainsi que la survie de bien des villages en régions.  Le papier journal est garant de nombreux emplois bien rémunérés.

 

Il n’y a pas péril en la demeure pour demain matin. Les lecteurs fidèles sont encore nombreux et les commerces aussi. Il y aura sûrement péril dans quelques années, si rien n’est fait en innovation.

 

Évidemment, je m’inquiète davantage de la presse régionale hebdomadaire qui informe localement ou régionalement toute sa population. Pour beaucoup de citoyens, c’est le moyen prioritaire de s’informer ou d’être informé sur la vie communautaire et parfois au-delà. Par exemple, pour les citoyens des Îles de la Madeleine, Rimouski, Baie Comeau,  Drummondville, St-Hyacinthe, Joliette, Valleyfield et autres, l’information locale risque de leur filer entre les mains sans la presse locale.

 

Autant pour les annonceurs, par exemple l’épicier ou le salon de coiffure, qui n’ont besoin que d’une publicité à faible portée : entre 30,000 et 50,000 foyers pour nourrir les besoins de leurs commerces. Ces derniers ne veulent certes pas voir ces journaux disparaître.  Encore ici, bien des éditeurs sont malheureusement tentés de jouer sur les deux tableaux soit papier et numérique au détriment de leur journal papier. Ils risquent de jeter le bébé avec l’eau du bain. Au lieu d’inviter leur lecteur à emprunter le chemin du web, ils devraient au contraire inciter les fidèles du web à consulter l’imprimé. Encore faut-il faire appel à l’imagination.

 

La publicité des médias gratuits est au cœur de la fatalité. Les commerçants, qui craignent de se voir dépasser par la concurrence, partagent et étalent leur budget alloué au papier avec le numérique. Initiant une perte nette pour le papier. La proximité des hebdos régionaux avec les commerçants locaux peut leur valoir une plus grande fidélité. Contrairement aux grands médias qui négocient avec les publicitaires des grands annonceurs nationaux.

 

Le premier poste des dépenses qui écope de la réduction des sommes, allouées à la publicité, est la rédaction, soit l’information.  Pourtant je reste toujours convaincu qu’un journal bien lu par des lecteurs fidèles, en accordant de l’importance au journalisme et en produisant des reportages dynamiques, demeure toujours un média efficace pour la publicité. Réduire l’espace  et le personnel voués à la rédaction d’un journal signifie la décadence et la disparition de ce média et du papier journal.

 

Économiquement,  la fermeture de journaux signifie la perte d’emplois localement. Un journal local insuffle aussi du dynamisme dans la communauté.

 

Jusqu’à récemment, la majorité des 170 hebdos était la propriété du Groupe Transcontinental. Non rentables en réseau à cause de plusieurs facteurs, ils viennent d’être cédés à des intérêts locaux, intérêts qui tiennent heureusement à faire survivre leur média hebdomadaire.  La compagnie « Icimédias », dirigée par deux éditeurs d’expérience, vient d’acheter 21 hebdos. Comme quoi, connaissant bien la situation, ils assument le risque de faire évoluer profitablement la presse régionale vers des jours meilleurs.

 

Il y aura sûrement quelques dynamiques chevaliers parmi ces 170 éditeurs indépendants qui rouleront leurs manches pour arrêter l’érosion, permettant ainsi à ces 170 hebdos de regagner leurs lettres de noblesse et en assurant la survie. La survie est à ce prix.

 

Ces journaux côtoieront  le numérique avec une vocation orientée vers leur communauté de proximité soit leur ville et leur région.  Ces journaux devront se redéfinir et présenter un journal différent de celui d’aujourd’hui.

J’observe que trop d’hebdos, outre la couleur à pleine page, font des journaux comme il y a 30 ans. Il faut un peu plus d’audace.

On a toujours besoin de temps pour assimiler correctement les changements.

Cependant, les changements se font aujourd’hui tellement rapidement qu’ils risquent d’occasionner des dégâts. Les hebdos ont déjà connu des tempêtes et ont survécu, mais cette fois, le changement, avouons-le, ressemble à un tsunami.

Parfois, la tentation de sauter dans l’arène me tenaille. Mais la loge de la confortable retraite me permettra de vérifier mes théories.

 

 

 

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