Je revendique le droit d’appeler vieux… un vieux.

Je revendique le droit d’appeler vieux… un vieux.  En en croire une intelligentsia, il faudrait bannir ce mot du vocabulaire parce qu’il fait …vieux.  Et, semble-t-il, ce n’est pas bien de dire « vieux » à un vieux.  Comme le mot aveugle qui devient non-voyant ou sourd qui devient malentendant ?  Pour moi, un sourd est un sourd, un chat est un chat et un Vieux est un Vieux. 

Tout comme moi !  Qui a 71 ans !  Je trouve ridicules toutes les expressions qu’on tend à employer pour éviter de prononcer le mot « vieux».  On dit bien JEUNE pour identifier la jeunesse.  N’est-il pas normal de dire vieux pour identifier la vieillesse.  Je suis disposé à arborer ce terme comme un galon à mon épaule, pour les 20 prochaines années.  Après on dira de moi :  le vieillard.  Doit-on noter que les mots vieillesse, vieux et vieillard commencent par les trois lettres de…vie ?

Qui sont ces gens qui se sont permis de dénaturer le mot vieux ?  Sous quel prétexte a-t-on décidé d’excommunier le mot vieux ?  Pour contourner en douce ce mot, on a même inventé, dans de quelconques officines, de curieuses expressions qu’on imagine valorisantes pour faire oublier le pseudo décevante vieillesse.  L’innovation du siècle, exclusive au Québec :  « l’âge d’or » !  Si la vieillesse est l’âge d’or pour plusieurs, je doute que les vieux qui sont handicapés ou à la santé vacillante dans les institutions s’en réjouissent.  L’âge d’or, n’est-ce pas aussi l’insouciance heureuse d’un enfant ?  Et n’est-ce pas aussi la période passionnée d’un couple amoureux ?  À quelle époque est-ce l’âge d’or ?  Dans la même lignée que « l’âge d’or », dites-moi aussi c’est quand « le bel âge » ?  En quoi, ces deux expressions représentent-elle exclusivement la vieillesse ?  Tant d’efforts pour ne pas prononcer le mot… vieux.  En consultant des publications de la francophonie, je retrouve partout l’utilisation du mot vieux.  Ce n’est qu’au Québec qu’on le cache ou le prononce en sourdine.

 Que dire du mot « senior ».  Sans un accent aigu.  L’expression est courante et s’impose de plus en plus en France.  De conserve avec le mot «vieux ».  Les deux ont droit de cité.  Certains me diront que senior est un terme sportif.  Dans la presse française, je lis souvent le terme de « senior » pour identifier les vieux.  Pourtant j’ai toujours eu la tendance de le prononcer comme s’il avait un accent aigu.  Plusieurs le classent comme un anglicisme alors qu’il est d’origine latine, qui veut dire « plus âgé ».  En conséquence, voici un autre mot en osmose avec la langue française, qui devrait s’imposer ici.  En Amérique, on dira, dans le cas d’un père et un fils avec le même nom, Paul senior et Paul junior, un vice-président senior :  ça, c’est une forme anglaise.

 On catalogue avec le terme « troisième âge » les gens de 65 à 75 ans et le terme « quatrième âge » pour définir l’après 75 ans.  Alors, c’est quand le « premier » et le « deuxième âge » ?  Je ne l’entends jamais.  Tout ça pour éviter de dire le mot… vieux.  Pourtant, il s’utilise bien pour souligner l’étape qui deviendra ultime.

 Il y a aussi « doyen », « vétéran » ou « sénateur » dans certaines circonstances bien précises seulement.  Que dire des « anciens » ?  Les anciens d’un collège, les anciens du Canadien, les anciens d’un village pour désigner avec respect les sages, quoique les anciens d’un collège soient souvent encore jeunes.  Puis, l’expression, les « gens âgés » « les personnes âgées ».  Pourquoi pas ?  C’est la réalité.  Puis les « aînés ».  Tiens je tique sur celui-ci.  L’aîné d’une famille est le plus âgé.  Mais, si on dit les aînés, on identifie les plus âgés d’une nation.  Donc, je suis un aîné dans la société, même si je suis le benjamin de ma famille.  Cette identité se porte bien et j’aime l’employer.

 Faut en conclure que le mot le plus juste se confine dans l’expression « un vieux», le mot qui s’assimile avec osmose à la vieillesse.  Tout commence à 65 ans :  le troisième tiers de la vie.  La vie prend ses couleurs d’automne.  Le chèque de la sécurité de la vieillesse soit la pension fédérale commence à 65 ans.  Le corps commence à faire sentir des défaillances et nous oblige à de nouvelles habitudes.  Ne serait-ce l’occasion d’annihiler la crainte de vieillir ou d’accéder au nouveau cénacle ?  On y accède tous.  Ce n’est pas le choix des mots qui réussiront à nous rajeunir.  Pour savoir vieillir, il faut avoir appris à vivre.  On dit bien des vieux qu’ils sont des « sages ».  Pourquoi pas ?  J’en suis flatté.  Les expériences, les observations et les émotions d’une vie entière apportent un savoir et, avec le recul, une sagesse.  Donc je revendique mon titre de vieux et de Sage.  Tout comme Dany Laferrière et Normand Brathwaith se permettent d’employer abondamment le terme de « nègre », si souvent décrié socialement.  Alors je revendique le droit de dire « vieux ».  Même si notre société n’aime pas les vieux …et le mot vieux.

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Une réflexion au sujet de « Je revendique le droit d’appeler vieux… un vieux. »

  1. Bonjour monsieur, il y a quelque temps, en faisant une recherche sur le mot «vieux» je suis tombé sur votre article et sur votre blogue. Votre texte sur le mot vieux exprime tout ce que je ressens à propos de ce mot. J’ai 67 ans et je revendique aussi le droit de m’appeler un vieux.
    Je suis président d’un organisme qui s’appelle «Espaces 50+, fondé par Jean Carette en 2003. Je suis associé à ce groupe depuis sa fondation et nous avons un site, un blogue et une info lettre. J’aimerais avec votre permission publier votre texte sur notre site. J’aimerais aussi vous inviter à un partenariat où nous pourrions partager nos textes respectifs. Vous pouvez me contacter par téléphone au 450-812-8345 à St-Hubert ou par courriel à teasdale.f@videotron.ca
    Merci à l’avance pour votre réponse.

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