Vieillir avec panache (Jocelyne Robert)

La revanche des vieux, titre du livre de Jocelyne Robert.
Texte de Silvia Galipeau paru dans la Presse le 24 février 2021

Jocelyne Robert est en feu. Et surtout en furie. Elle publie ces jours-ci un véritable cri du cœur, mûri pendant la pandémie : Vieillir avec panache, mais aussi dignement, et même fièrement. Entretien avec une « vieille personne » qui ne mâche pas ses mots.

Ce n’est pas nous qui le disons (jamais on n’aurait osé !), mais elle. La célèbre communicatrice et sexologue publie en effet ces jours-ci un véritable petit manifeste pour en finir avec les euphémismes, néologismes et autres litotes qui enrobent, camouflent et tournent surtout autour du pot, sans finalement rien dire du tout. « Quand on y pense un peu, “personne âgée’’, ça ne veut rien dire, confirme d’emblée la dynamique autrice à la chevelure blanche, tout sourire derrière ses lunettes noires géométriques. On est tous des “personnes âgées’’.

Et “aînés’’ ? Moi, j’ai 72 ans. Alors je suis une aînée par rapport à quoi ? » Sage ? À force de ne pas appeler un chat un chat, ou plutôt un vieux un vieux, « ce qu’on ne nomme pas n’existe pas ! », dénonce-t-elle. « Et comme par hasard, dans notre société, les VIEUX n’existent pas ! »

Bien évidemment, à brûle-pourpoint et sans explication, le mot peut choquer, concède-t-elle. VIEUX, OU VIEILLE, ça peut effectivement passer pour une insulte. Un dénigrement. Or, c’est tout le contraire. Parce que dans « vieux », « vieille » ou bien sûr « vieillir », il y a le mot « vie », rappelle Jocelyne Robert tout sourire.

« Et moi, ça me fascine ! C’est comme si la langue avait voulu nous rappeler que quand on est vieux, on est vivant ! C’est un beau mot, finalement ! »

— Jocelyne Robert

Mais de grâce, n’affublez pas le nom du qualificatif infantilisant « p’tit » ! « Les gens âgés ne sont pas des petits ! », martèle-t-elle. Pourtant l’auteur de ce blogue l’utilise avec plaisir pour le titre.

Dans son ouvrage, où elle passe au crible tous les autres synonymes mal placés, de sage à boomer (ou pire, #okboomer), en passant par retraité, Jocelyne Robert sait bien qu’elle est « un peu culottée », concède-t-elle, avec une assurance plutôt rafraîchissante, en ces temps de frilosité langagière. « Pourquoi est-ce qu’on a autant peur des mots ? Qu’est-ce que ça cache ? Un dédain de vieillir ? »

UN « RACISME GÉNÉRATIONNEL »

Pour elle, la goutte aura été la pandémie. Quand « nos aînés » sont tout à coup devenus de vulgaires chiffres. Confinée comme tout le monde, Jocelyne Robert ne l’a tout simplement pas digéré : aux nouvelles, on décrivait avec moult détails telle ou telle jeune victime. « Mais quand c’était quelqu’un de 70 ans et plus, c’était juste des chiffres. Ça s’est mis à me troubler beaucoup », laisse-t-elle tomber. Alors elle s’est mise à écrire. Et son livre est sorti d’un jet. Objectif ? « BRASSER LA CAGE », vous l’aurez deviné. Et ce, dans tous les sens possibles. « C’est peut-être un peu prétentieux, mais je souhaiterais contribuer à un changement de perception qu’on a des personnes plus vieilles, et surtout changer les perceptions que les personnes plus vieilles ont d’elles-mêmes. Parce que c’est tellement intériorisé. L’âgisme est omniprésent. »

D’ailleurs, pire que de l’âgisme, Jocelyne Robert parle carrément ici de « racisme générationnel ». « C’est du racisme par rapport à l’âge. Et c’est le problème le plus répandu et le plus universel. Même dans les sociétés où l’on avait beaucoup d’égards envers les plus vieux, un peu partout, les vieux et les vieilles, on veut les parquer au plus sacrant. […] S’il y a une forme de racisme qui devrait faire l’unanimité, c’est bien celui-là. »

Or, on en fait tous les frais, rappelle-t-elle, coincés entre une double et invivable injonction : « pas le droit de vieillir » d’un côté, et « pas le choix de vieillir » de l’autre. « C’est anxiogène, c’est épouvantable ! » Et en toute humilité, elle confie être ici prise au piège comme tout le monde.

« Est-ce que je peux savoir être vieux [ou vieille], plutôt que savoir paraître jeune ? »

 Jocelyne Robert

Pourtant, faut-il rappeler, ce verbe honni est quand même un verbe actif. « [Vieillir], c’est actif, on avance ! Il y a des aspects, oui, de fragilité, mais il y a aussi des richesses ! Les personnes vieilles éprouvent beaucoup plus de plaisir parce qu’elles sont beaucoup plus dans le moment présent ! » Une qualité qu’on gagnerait tous à cultiver…

Parlant de plaisirs, la sexologue aborde aussi dans un chapitre particulièrement étoffé son éternel dada : « célébrer l’érotisme ». Ici, résume-t-elle, il ne s’agit pas simplement de reconnaître le droit de tous, quel que soit leur âge, leur sexe ou leur orientation sexuelle, à une intimité sexuelle, mais plus largement, « le besoin d’être considéré comme un homme ou une femme ! »

« Ce n’est pas parce que votre grand-mère de 75 ans tombe en amour ou que votre grand-père de 85 ans a le béguin pour une dame ou un monsieur que ce sont des pervers, des vieux cochons ou des vieilles nymphomanes ! », tranche-t-elle, avec son franc-parler sans pareil.

Morale ? « Ma volonté, c’est de faire du bien », conclut Jocelyne Robert. D’éveiller des consciences, de bousculer des idées reçues et, pourquoi pas, d’allumer quelques lumières. D’où sa question : à quand un « QUÉBEC FOU DE SES VIEILLARDS » ?

 

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