Dans mon premier texte sur la solitude des vieux, je soulignais que la maltraitance, la violence, la mauvaise hygiène et les CHSLD qui font la manchette des médias ne sont pas les seuls malaises qui assaillent la vieillesse. C’est alors que j’ai pointé la solitude comme « le grand mal-être des vieux ».
Il y a ces gens âgés en santé qui sont actifs et profitent d’une vie sociale et plus comme la pratique des sports, la fréquentation des restaurants, les grands voyages. Ils vivent bien leur vieillesse et ils sont nombreux. Aucun handicap, une bonne santé vieillissante, des revenus adéquats, même ceux-là nous confient leur solitude, l’absence d’une vie familiale même sporadique.
Cet exemple nous démontre pourquoi ceux que l’aisance financière et l’autonomie choient acquièrent le désir d’intégrer une résidence pour personnes âgées. Il y en a tellement de ces résidences et il s’en construit de plus en plus. Ces résidences que bien des gens considèrent comme des ghettos de vieux. Même si cela était, elles remplacent une famille qui les oublie. Les vieux y retrouvent à portée de main une vie sociale, des activités, des événements, et bien souvent des services comme la restauration, un dépanneur, la coiffeuse et coiffeur, un guichet automatique, et la piscine, le cinéma pour les mieux nantis, etc. Ce portrait semble combler l’ennui, permet de garder une vivacité de l’esprit, en attendant la visite. Voilà pourquoi il a tant de gens âgés autonomes qui vouent du temps au bénévolat.
Il y a les autres dont la force physique se fait plus timide et qui doivent se terrer dans leur appartement ou leur maison à attendre une visite qui ne vient pas ou qui se fait rare. Un fils ou une fille qui visite une fois par mois ses parents ne se rend pas compte qu’il y a 29 ou 30 jours autres où la solitude s’abat sur les vieux. Les journées sont longues à attendre. Quelle chance que les livres et la télévision existent pour réduire quelque peu l’ennui qui galvaude! Avec l’espoir que la vue et/ou l’ouïe soient bonnes. Même ceux qui ont une activité hebdomadaire comme jouer à la pétanque souffrent d’une solitude. Que penser de l’absence d’une automobile qui va cloitrer des individus dans leur logis.
Ceux qui anticipent avec frénésie le seul maigre chèque gouvernemental doivent se contenter d’un petit logis où les journées se suivent dans l’ennui, même en couple ; en souhaitant un logis au rez-de-chaussée pour ceux dont les jambes chancellent et peinent à monter un escalier. Ils doivent quémander un transport gratuit au Centre de Bénévolat pour recevoir les soins médicaux comme les examens et autres services qui nécessitent un déplacement. Quelle joie de recevoir un mets appétissant à prix réduit grâce à la Popote roulante !
Il y a aussi ceux qui souffrent que ce soit de l’arthrose ou autres douleurs, ceux qui peinent à se mouvoir dans ce même logis. Que les journées sont longues ou paraissent longues quand ces inconforts accaparent les pensées. Comment ne pas penser au suicide ? Ils sont nombreux.
Quand l’autonomie et la santé abandonnent les vieux et que les services médicaux ne viennent plus à domicile, il faut prévoir l’intégration à un CHSLD, une sorte de mouroir qu’aucun ne souhaite envisager pour terminer ses vieux jours. Inutile dans ces lignes la vie de décrire ces établissements, les médias se chargent de faire les manchettes des dérapages. Sans oublier l’oubli de cette clientèle par les gouvernements. Il y plus de ressources financières pour les prisonniers que pour les vieillards. J’aimerais qu’on nous souligne combien coûte un prisonnier annuellement per capita et combien un vieillard institutionnalisé. Je lisais récemment dans la Presse Plus que le budget repas est d’environ 9$ par jour pour un prisonnier et d’environ 3.50$ pour la clientèle des CHSLD. Dans les prisons, on double le budget d’un prisonnier juif pour sa nourriture kasher et sans oublier la nourriture halal des musulmans.
A ce titre bien des vieux souhaitent être prisonniers. On dirait que nos élus ont moins de respect pour les vieux en général, pour leurs vieux parents et souhaitent que les choses soient déjà changées quand ce sera leur tour. Et ne vaut-il pas mieux de s’occuper dès maintenant de la solitude et la qualité de vie des vieux en prévision de nos propres vieux jours.