Pendant que je vieillis bien, d’autres s’acharnent à tenter de rajeunir

27  janvier 2025

 Quand j’avais 40 ans, j’ai trouvé insupportablement vieux les gens de plus de 60 ans.  J’ai même osé les qualifier de passéistes, suggérant que leurs propos étaient proches du radotage. Dans le confort des acquis de l’âge et avec leur passé comme référence, ils ignoraient que le monde avait changé. Je souhaitais que ces vieux s’occupent d’autre chose, qu’ils nous laissent, nous de la quarantaine, toute latitude pour bâtir le monde futur. 

Combien de propos absurdes peut-on tenir à cet âge de la quarantaine ! Surtout, quelle vision négative peut-on diffuser sur la vieillesse, cette vieillesse qu’on atteindra d’ici quarante ans ?

Maintenant que j’ai 83 ans, je trouve les gens de 40 ans, bien jeunes.  Les 43 années qui me séparent d’eux sont pleines d’un savoir qui leur fait défaut.  Je prêche évidemment pour ma paroisse.  Le radotage dont ils nous affublent est en fait un riche passé, un passé fertile qui s’exprime et donne des avis ; c’est là que l’on trouve la sagesse.

Le monde a-t-il réellement évolué ? En réalité, seul l’environnement de l’être humain s’est transformé ; l’Homme lui-même est demeuré immuable. Il est toujours le même. Il est tellement complexe que nous ne vivrons jamais assez vieux pour en saisir toute la complexité. Les connaissances qui viennent avec les années nous aident tout de même à nous y retrouver un peu.

En somme, j’aborde ce sujet pour que nous célébrions la vieillesse. À 40 ans, on devrait voir la vieillesse comme un avenir prometteur de sa vie auquel on aspire. Malheureusement, on ne souhaite pas l’atteindre puisqu’on la présente comme une étape insignifiante, dégradante, radoteuse, handicapée.

Une menace d’avenir sombre nous poursuit ! Entre 40 et 65 ans, on transporte dans notre sac à dos des stéréotypes tenaces. À 65 ans, le miroir de notre âge nous renvoie une image déformée de notre vieillesse, celle qui se trouve en arrière, dans le sac à dos : soit stéréotypée et erronée. Pourtant, la vieillesse que je vis est heureuse, active et féconde. Une tout autre image.

Nous voilà rendus à l’âge où les rides commencent à orner les yeux rieurs. L’âge où apprendre à lire les rides fait découvrir tout un monde. L’âge où les vieilles chansons font revivre les beaux moments, où les souvenirs permettent de revivre les grandes émotions. Mais pour ceux qui regardent la vieillesse dans le sac à dos, seule la course au rajeunissement apparaît comme l’issue qui arrête le temps.

Elle ne sert qu’à accroître la prospérité d’une industrie parce qu’elle propose les pseudo-secrets de la jouvence. Pour paraître plus jeune, on s’habillera à la mode, on s’enduira de crème miracle, on fera appel à quelques injections de botox par ici, par là.

Et pour vaincre les aspects les plus réfractaires de notre fausse jeunesse, une petite chirurgie vaincra les aléas de cette étape de la vie. Il faut absolument paraitre plus jeune sinon c’est la catastrophe. Il faut simplement qu’on nous dise que nous paraissons bien jeunes pour qu’on bombe le torse.

Un médecin a titré son livre Vieillir et rester jeune. Pourquoi ne pas laisser la jeunesse aux jeunes ? Pourquoi la leur subtiliser ? Et insistons pour laisser la vieillesse au vieux. Pour exemple, pourquoi ne pas avoir titré son livre Vieillir en forme ou encore Bien vieillir ?

Je préfère qu’on me dise que je vieillis bien. N’est-ce pas là le plus beau compliment ? Comme une petite fille qui rêve de devenir une grande fille ou une adulte, pourquoi ne rêverions-nous pas d’accéder à la vieillesse, d’y voir sa beauté différente, de profiter de notre savoir acquis et même d’apprendre à lire les rides ?

Voilà une étape de maturité pour peaufiner son être. Une étape où les souvenirs nostalgiques sont si agréables à l’âme. L’étape où c’est l’âme dont il faut prendre soin et non le corps. Une étape pour engranger la sagesse et le bonheur : les ultimes cimes de la vie.

Il faut célébrer la vieillesse auprès des plus jeunes, car c’est là qu’on dessine l’allure de cette étape à venir. Il faut donner le goût de devenir vieux comme s’il s’agit du podium de la vie.

Adoptons ce projet de vie ! Il faut changer la perception qu’ont les jeunes de la vieillesse. Il y a bien sûr les balafrés de la vie. Il y en a à tout âge, même chez les jeunes. Il faut apporter une image plus douce des affres de la vie. Portons nos fruits à la majorité, celle-là qui se valorise et qui atteint la vraie substance de cette vieillesse dont les années se prolongent sans cesse. Il a certes matière à espérer y accéder.

Une madame Rose a sauté en parachute à l’âge de 80 ans. Une animatrice à la radio lui affirma : « Mais, vous n’êtes pas vieille, Rose, vous êtes resté jeune ! Bravo ! »

Les cheveux m’ont dressé sur la tête. « NON, Rose n’est pas jeune. Elle a 80 ans. Elle est une vieille audacieuse et en forme.» Comme le sont encore plusieurs vieilles et vieux de son âge.

Bravo, Rose, pour avoir montré que vous pouviez réaliser ce rêve à 80 ans ». Ils sont nombreux à réaliser ce que la longue vie ne leur a pas permis de faire. Elles sont nombreuses les belles têtes blanches qui scintillent et qui apportent une contribution à la société. Les beaux vieux ! Ceux-là avec une aura qui rayonne autour d’eux quand ils passent.

C’est cette image qu’il faut propager à toute la société pour qu’elle aspire sereinement à atteindre la vieillesse, pour qu’on trouve beaux nos vieux, pour qu’on leur dise merci pour leur apport passé et présent. Et surtout que les vieux les croient et se voient avec le même regard.

Si jeunesse savait. Si vieillesse pouvait. Si la jeunesse tétait au mamelon du savoir et de l’expérience, que de belles choses elle pourrait faire, soutenue par de bons vieux supporteurs.

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