Il est plus facile de partir que de revenir.

Le  CHOC DU RETOUR est le symptôme  perceptible du retour en terre natale de tous les expatriés. Jamais facile, mais sournois, ce choc apparait le plus souvent sous différentes formes.

Comme pour le soldat qui revient d’une expédition d’un an. Comme pour le travailleur qui s’expatrie dans ses fonctions. Comme pour ce jeune qui parcourt le monde avec son sac au dos. Comme pour cette femme qui ira rejoindre un  conjoint dans une ville ailleurs.  Comme pour l’équipage du Sedna après une absence de plus d’un an. Comme ce fut mon cas et celui de mon épouse  après une aventure de huit ans sur notre voilier.

Non seulement faut-il parler du Choc du retour, mais aussi du Choc culturel de l’arrivée en terre inconnue, sans aucun repère, au milieu de gens aux us et coutumes si différents, assailli par des rites et une nourriture aux antipodes des nôtres. L’élémentaire bienséance consiste à séduire ses hôtes pour faire tomber toute la xénophobie latente et toute méfiance à notre intrusion. Puis s’intégrer aux fêtes populaires et autres. Surtout partager et parler de la bouffe : le grand sujet rassembleur !  L’effort de parler la langue du pays, du moins la baragouiner ajoute à l’accueil. L’exotisme qui entoure la nouvelle destination tient lieu de catalyseur et devient un outil à notre intégration. Aucune attente de notre part, sinon celle de la découverte de ce nouveau pays, fort de notre propre identité.

D’un autre côté, parce qu’il y a l’attente de retrouver sur le seuil de la porte ses pantoufles qui n’y sont plus, le retour déstabilise et cause un malaise souvent incompris chez l’enfant prodigue.

Comment expliquer le taux élevé de divorce chez nos militaires qui reviennent ? Cette vie de violence et de mortalité, de peur et de souffrance ne peut qu’avoir marqué le soldat, qui trouvera que des balivernes dans les retrouvailles. Personne ne peut le comprendre.

Comment élucider l’impression de tourner en rond et le manque de productivité du travailleur qui réintègre son foyer ? La concentration sur son travail est déficiente. La culture étrangère s’est incrustée dans sa tête.

Comment justifier la déception qui se lit sur le visage du jeune qui revient d’un tour du monde ? Il trouve que la vie d’ici ne lui offre si peu d’excitation. Il cherche la même curiosité chez ceux qu’il a quittés. Quelle déception chez celui ou celle dont chaque journée se passait hors de sa zone de confort ! La débrouillardise donnait à ses expériences une valorisation. Il ne pense qu’à repartir.

Comment comprendre que l’équipage du Sedna a vu la fin de tous les couples aux retrouvailles ?  Comme pour le militaire, l’intensité de chaque journée ne correspondra plus avec la famille à la maison. Même le psychologue à bord en a subi également les contrecoups.

Comment expliquer  l’arrimage avec mon pays qui ne fut pas une réussite  à court terme. Idem pour mon épouse. Ô combien j’ai tourné en rond ! Vivant un malaise incompris ! Le CHOC DU RETOUR donna une baffe à mon identité. Je ne me sentais plus appartenir à ce nouveau pays qui devenait une escale de plus. Un bouleversement important dans ma vie. Le syndrome de la pantoufle sur le seuil la porte !

Pendant les huit années de mon absence, tant de choses ont changé. Une photo captée avant mon départ ne ressemble en rien à celle prise au retour. Le pays a changé. Moi aussi. J’ai dû m’adapter à une trentaine de pays. Mes intérêts ont pris une tangente différente.  Mes amis sont toujours là, mais ma place dans le groupe a été prise par quelqu’un d’autre. Eux aussi ont évolué dans une trajectoire différente de la mienne. On ne peut quitter ses proches sans provoquer un bris, une fracture.

Une révolution électronique s’était abattue sur le Québec et avait changé la donne. Le téléphone cellulaire pointait seulement le nez au départ. Au retour, tous avaient leur cellulaire à l’oreille, même le fiston à la maternelle. Les acteurs à la télévision n’étaient plus les mêmes. C’est quoi Star Académie dont tout le monde parle ? Le yogourt à 1,25$ valait 4$. La référence des prix, augmentés à une hauteur de trois à quatre fois, m’a déstabilisé. Il y eut un « black-out ». Un trou de huit ans pendant lequel le pays et ses valeurs se sont métamorphosés. Un malaise, un inconfort, une crise d’identité pour le revenant. Pourtant gonflé d’aventures, d’expériences à raconter

Prendre le problème à bras le corps s’est imposé.  Une cure d’années ! Refaire le chemin de l’Histoire de mon pays depuis mon enfance pour me  l’approprier à nouveau. La revivre. Puis faire le pont entre les deux rives du trou en comprenant toutes les facettes de l’évolution survenue dans cette brèche. Un travail de titan pour le réussir.

Aujourd’hui, des psychologues se spécialisent dans le phénomène. Des entreprises proposent des programmes d’aide. Même l’Armée est prise à partie pour ses soldats laissés à eux-mêmes.

Je comprends le soldat, le travailleur, le jeune voyageur, l’épouse  qui ont tous vécu le Choc du retour, car… il plus facile de partir que de revenir.

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3 réflexions au sujet de « Il est plus facile de partir que de revenir. »

  1. Une belle découverte votre blog grace a votre article sur Huffingtonpost. Comptez sur moi pour vous laisser des commentaires a vos différents textes et aussi pour le faire connaitre. J’embarque dans votre gang de tivieux de 65 et plus.
    Pour moi le choc culturel du retour au pays ne risque pas d’arriver bientot. Les denières élections au Québec m’ont conforté dans mon intention de n’y retourner que les pieds devant. A moins que…

    Laurent Dupont

  2. Voyager est palpitant. C’est en voyageant qu’on réalise tous les efforts que les immigrants doivent faire pour s’intégrer à leur nouveau pays.
    En Inde, à New-Delhi, j’essayais de traverser une rue achalandée. Là-bas, les automobilistes ne respectent pas toujours les feux de circulation, alors traverser la rue devient périlleux. Après plusieurs tentatives infructueuses, j’ai dû me résoudre à essayer de traverser en même temps que les gens de la place, sinon je n’y serais jamais arrivée. Je n’étais qu’une touriste et déjà je vivais le choc d’une autre réalité.
    On ne réalise pas toute l’énergie que ça prend à un expatrié pour apprendre à vivre comme les gens de son nouveau pays d’adoption. Une des mes amies qui est d’origine russe qui a appris le français, fondé une famille est retournée en visite dans son pays d’origine après quelques années ici. Elle me disait que quand elle était au Québec, elle s’ennuyait de la Russie et quand elle était là-bas après deux semaines elle s’ennuyait du Québec. Elle avait l’impression de n’appartenir à aucun des deux pays. Tous les expatriés doivent vivre des émotions semblables. Avant de les regarder de travers on devrait peut-être se mettre à leur place. On oublie que la tolérance à bien meilleur goût. Soyons solidaires de ces gens. Oui tout le monde devrait avoir la chance de voyager, d’aller voir ailleurs comment ça se passe. Il y a le choc de l’arrivée en pays étranger et il y a le choc du retour. dans son pays.(après un long séjour) Souvent quand les gens reviennent d’une mission humanitaire de plusieurs mois voir de plusieurs années, ils ne voient plus leur pays du mème oeil. On peut se plaindre du Québec mais c’est un pays où il fait bon vivre.

  3. J’ai travaillé avec une ukrainienne qui venait à peine d’arriver au Québec. Dans son pays, elle était médecin et arrivée au Québec, elle a occupé un poste subalterne mais elle acceptait très bien cette situation en raison des équivalences fort différentes entre les deux pays. Elle était anglophone et parlait peu le français mais au travail nous étions toutes francophones. Pour être embauché, il faut être bilingue, mais elle avait passé toutes les étapes de l’embauche avec succès. Croyez-le ou non, cette dame avait un courage que je n’ai jamais rencontré chez aucune d’entre-nous. Son entrainement fut minime. Elle travaillait avec un dictionnaire russe/français qu’elle consultait à la journée longue. Personne ne lui parlait en anglais. Elle donnait un rendement équivalent à ses compagnes de travail qui elles n’en menait pas large. Les méchancetés que j’ai vues des employées à son égard m’ont fait perdre mon sang-froid à plus d’une reprise. Elle n’a jamais été acceptée car une de ses compagnes qui avait beaucoup d’emprise sur les autres avait décidé qu’elle ne l’aimait pas. Aucune employée n’a eu la moindre compassion pour elle car je présume que si on l’aidait cela voulait dire un surcroît de tâches. Je ne pouvais pas l’aider car j’avais une tâche complètement différente et de niveau moindre qu’elle. J’avais honte en tant que québécoise d’avoir été témoin de ce drame car ce fut un drame. Lorsqu’on l’a finalement congédiée, je fus la seule à avoir eu la décence de l’inviter à dîner au restaurant en guise de lui offrir une petite douceur avant de partir. Je lui ai conseillé d’aller œuvrer en milieu anglophone car l’accueil y serait moins froid, que ce ne pouvait être pire que ce qu’elle avait enduré ici. Toutes ont fait preuve de manque d’ouverture. J’ai tenté vainement à plusieurs reprises de les humaniser mais le mot d’ordre était : Je n’ai rien vu, rien entendu et rien dit. Et voilà !
    Pour avoir discuté souvent avec elle, je crois que si tous y avait mis un peu du sien, elle aurait pu nous apporter beaucoup. On a préféré l’isoler. Elle avait le cœur sur la main, dénotait un grand intérêt pour nous et malgré toutes les bassesses qu’on lu a faites, elle gardait toujours une attitude positive. Elle avait eu un passé très douloureux dans son pays en plus d’avoir un enfant autiste. J’ai eu tellement de peine pour tout le mal qu’on lui a fait. J’ai rapporté beaucoup de faits à la patronne qui a préféré fermé les yeux. Il était plus facile de la congédier que de ramener ses filles à l’ordre. Je regrette aujourd’hui de ne pas être aller plus haut et de ne pas avoir dénoncer ces attitudes xénophobes. Il suffit de si peu pour changer une vie.

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