Haro sur le baudet ! N’est-ce pas l’expression exacte pour décrire l’euphorie des blâmes foudroyants à l’égard de la débâcle de certains entrepreneurs vedettes. La réprobation populaire a fait l’actualité. Les médias ont exploité le filon. Les déboires de ceux qu’on appelle les dragons sont étalés sur la place publique. Comme si c’était la rançon de la gloire. Haro sur le baudet !
De quoi décourager les entrepreneurs en devenir ! Il est évident que tu y risques ta chemise ! Le parcours à succès des Beaudoin avec Bombardier et Desmarais avec Power Corporation a été parsemé de revers importants, même avec le risque de tout perdre.
Il faut être un combattant pour s’y investir. Avoir la carapace pour endurer. Et surtout la confiance en soi, suffisamment pour rebondir. Les entrepreneurs sont des êtres d’exceptions dont la société a un besoin pour créer des entreprises innovantes qui créeront les emplois futurs. Je souhaite que les revers publicisés n’abiment pas les ardeurs de ceux qui s’apprêtent à faire le saut.
Le fiel qui a coulé sur le dos de Caroline Néron est tout à fait inopportun. Ce sont les succès dont elle a fait le plein en route qui lui ont permis de bâtir une entreprise de bijoux dont le chiffre d’affaires atteignait 40 millions de dollars. Sans oublier les centaines d’employés qui y ont gagné leur pain. Un succès marketing indéniable. Des nuits sans sommeil, un stress permanent. Mais le bonheur d’une réussite.
Comme tous les entrepreneurs, elle n’a pas tous les talents. La comptabilité est son côté faible selon ses propos. Elle ne s’est pas entourée de personnes en comptabilité à la hauteur de son entreprise. Mauvaises décisions. Tout comme lancer des boutiques dans de gros centres commerciaux. Et sûrement d’autres. Elle en paie le prix aujourd’hui. Elle ne lance pas encore la serviette.
Elle se protège grâce à une loi. Elle se restructure en plus petit. Il lui faudra satisfaire ses créanciers qui croiront en ses talents de rebondir et d’entreprendre.
Elle doit avoir une force incroyable pour supporter cette débandade et la grogne des réseaux sociaux, des médias et des défaitistes professionnels. Elle a pourtant un grand talent évident.
Je ne voudrais pas être dans les souliers d’Alexandre Taillefer en ces temps. Sa grande idée visionnaire et audacieuse vient de rendre l’âme : Taxi Téo vient de fermer ses portes. Quel désastre. Avec ses millions, il a voulu doter Montréal et le Québec d’un système de taxi électrique plus économique où le chauffeur est payé à l’heure en donnant un service de qualité supérieure. C’était révolutionnaire.
Plusieurs financiers ont cru en son projet. Il a sûrement été convainquant. Le gouvernement provincial et ses ministères, le Fonds de Solidarité FTQ, le FondAction CSN, le fonds XPND et la Caisse de dépôt ont injecté des sommes importantes pour que le projet survive ce qui n’a pas suffi. Selon le syndicat, 450 employés qui ont cru au projet ont été licenciés. Il reste 2 autres compagnies traditionnelles de taxis en fonction.
Alexandre Taillefer a aussi eu l’audace, en ce moment de disette pour la presse imprimée, d’investir et de participer à la relance de Voir et de L’Actualité. Une autre audace à suivre.
L’intrépidité d’un entrepreneur visionnaire qui risque ses avoirs pour innover et doter la société de biens utiles ! Il faut une bonne dose de confiance en lui pour traverser cette perte. Je suis triste de ce qui lui arrive mais, je suis confiant qu’il saura rebondir. Lui aussi est victime du jugement populaire et du fiel des réseaux sociaux..
J’ai toujours cru que Gilbert Rozon est un entrepreneur qui a insufflé à Montréal un événement touristique d’envergure soit « Juste pour rire » Il est la bougie d’allumage du monde des humoristes qui déferle sur la province. Ce fut un bâtisseur renommé. C’était sans compter sur ses traits de caractère et de mœurs dépravées largement diffusés qui lui ont valu l’opprobre de la société et la descente aux enfers. Heureusement, l’entreprise lui a survécu.
Parmi les Dragons de la télésérie, il y avait aussi un nouveau millionnaire du nom de Martin-Luc Archambault. Un entrepreneur et un cerveau de l’internet et de ces composantes. Il a disparu de la circulation à la suite d’un article de La Presse, «qui dévoilait qu’une entreprise qui a fait sa fortune bafouait la vie privée de ses utilisateurs. Le logiciel Wajam, qui se présentait comme un moteur de recherche sociale à succès, s’était introduit dans l’ordinateur de millions de personnes à travers le monde pour les ensevelir de publicités intempestives ».
La société ne peut se priver de ses talents. J’ose espérer qu’il corrige sa trajectoire inopportune et inappropriée pour faire profiter de ses talents pour la bonne cause.
Il me faudrait raconter toutes les histoires d’entreprises réussies. L’histoire des entrepreneurs déterminés. Deux pages sont insuffisantes. Tant de grandes entreprises sont le résultat du dur labeur d’entrepreneurs, qui n’ont pas lâché malgré les revers inhérents, comme les Jean Coutu, Canam, Bombardier, Québecor, Vidéotron, Molson, Desjardins, Power Corporation, Cascades, le canal V, l’Impact, Transcontinental, le Cirque du Soleil, les Productions René Angélil . Une liste restreinte pourtant éloquente.
Les gens qui ne connaissent pas la face cachée de l’entrepreneuriat se contentent d’écrire leur fiel sur les réseaux sociaux lorsque nos héros traversent des périodes difficiles. Ce ne sont pas des personnalités sans défauts. Nous avons pourtant un besoin urgent de ces entrepreneurs. Il ne faut pas les accabler davantage et les décourager. Et décourager ceux qui sont en devenir.
La face cachée de l’entrepreneuriat n’est pas toujours rose.