Vieux : un mot chaleureux

Il n’y a pas si longtemps, on appelait les personnes âgées les VIEUX. Il y avait plein de sympathie à l’usage de ce mot qui est devenu tabou. Pourquoi ?  Pourtant le vieux monsieur, la vieille dame, mon vieil ami, salut mon vieux, s’assoupir sur un vieux banc, une bonne vieille recette, les vieux textes,

les vieux sportifs, une belle et vieille histoire, un vieux grand-père, le vieil homme et la mer, un vieux routier de la politique, le bon vieux temps, salut vieille branche, un bon vieux vin, sont autant d’expressions chaleureuses et pleines d’empathie.

Et pourtant on utilise une foule de mots et d’expressions aseptisées pour évincer le mot vieux de notre vocabulaire. Que ce soit l’âge d’or, le bel âge, les ainés, le troisième âge, aucun ne remplace le mot vieux. On donne le sens de sénile, décrépi, de malade à ce mot alors qu’il représente la période de la vieillesse qui commence vers soixante-cinq ans. On dit des vieux en forme, audacieux, intrépides, enjoués, qu’ils sont jeunes comme si les vieux ne pouvaient être des vieux en santé. Je connais des vieux séniles et malades. Je connais aussi de jeunes malades et handicapés.

On est de jeunes vieux, dira-t-on, comme si les deux mots s’accordaient, comme si les deux mots décrivaient des états de santé.  La jeunesse et la vieillesse ne sont que des périodes de la vie et non des qualificatifs sur l’état de la santé. Comme si on est jeune et en santé, et vieux et malade.

Il n’y a qu’au Québec qu’on se permet de mettre le mot vieux au rancart. Où le mot vieux devient le synonyme de vieillard. Dans les journaux et magazines de la francophonie, j’y lis les mots vieux et séniors et personnes âgées.  Nos gens âgés ne veulent plus s’appeler vieux comme pour se donner bonne conscience en choisissant de multiples expressions « déVIEUXtées ».

Curieusement, dans le bon vieux temps, on s’occupait des vieillards, vers 70 ans, quand ils étaient malades ou sur la fin de leur vie alors qu’aujourd’hui on les parque ou on les oublie dans les CHSLD plus ou moins affreux selon les revenus. Pour plusieurs années ! Curieux, dis-je, que ce comportement de la modernité coïncide avec l’évincement du mot vieux. Change-t-on de vocabulaire en changeant de comportement ? Pourquoi investir temps et argent pour une vieillesse inutile ? Que de clichés indignes ! Heureusement, il y aura toujours des âmes bien nées et vertueuses pour fréquenter les vieillards. Sans ressources financières, nos mouroirs modernes ne suffisent pas à la tâche. Ces hospices où on va à reculons quand on ne réussit pas à ne pas y aller.

En 1960, l’espérance de vie environnait les 70 ans. On était déjà des vieillards à cet âge. Aujourd’hui, l’âge moyen de l’homme est de 80 ans et celui de la femme 84 ans. La vieillesse est plus longue et généralement en santé adéquate malgré les petits ratés de l’âge. Mais chose certaine, nous sommes vieux.  Même certaines carrières actives débutent avec la vieillesse, un phénomène qui se retrouve surtout dans le monde occidental et que les anglophones britanniques et américains nomment « amortality ». La vieillesse peut être une période féconde puisque la sénilité survient souvent plus tard de nos jours, mais on est quand même vieux. Et ce sont aussi souvent ces vieux, bénévoles, qui prennent en charge des séniles, des balafrés et des éclopés  de la vie. On remarque de plus en plus que les vieux prennent soin de leurs vieilles et vice-versa.

La perspective de notre avenir n’est pas rose, surtout éclopée, en rejoignant la cohorte des vieillards non autonomes. Les nouvelles générations n’ont pas été élevées avec le culte de la famille, mais surtout celui des amis. La société en général n’aime pas ses vieux et encore moins ses vieillards. On confie à l’État ce soin qui n’y voit qu’un problème financier qu’il n’ose résoudre. Il se hasarde à couper même dans le financement des services quotidiens à l’égard des vieux, sinon dans les hospices des vieillards. Ceux-là qui ont consacré leur vie à bâtir ce pays dans lequel nous évoluons tellement à l’aise.

Redonnons son sens chaleureux au mot VIEUX afin qu’on n’oublie pas que la vieillesse est le troisième cycle de la vie et qu’elle transporte avec elle tout le bagage d’une longue vie pleine de réalisations qui nous ont précédées et qui méritent l’empathie, la tendresse, le respect et la fierté.

 

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