4 décembre 2024
Il y a quelques années de cela, j’ai entendu Richard Martineau, ce chroniqueur connu pour ses indignations rapides, exprimer son opinion selon laquelle les résidences pour personnes âgées, communément appelées ‹ RPA ›, sont en réalité des ghettos pour les vieux. Selon lui, ces établissements ont tendance à infantiliser les personnes âgées, plutôt que de leur offrir une véritable autonomie. Je l’ai cru à ce moment-là et je l’ai entendu répéter ce jugement récemment.
Il y a trois ans, en compagnie de Diane, j’ai décidé d’oublier les RPA et de vieillir dans notre magnifique maison, en profitant des programmes gouvernementaux pour le maintien à domicile. Mais un doute quant à la véracité des dépenses de l’État en faveur du maintien à domicile ne cessait de me titiller.
Deux semaines après, nous avons réévalué en question ce projet, car nous nous portions si bien que nous pouvions déménager dès lors allégrement. Tandis qu’en reportant le projet de déménager à plus tard, nous risquions de faire face à une santé défaillante rendant cette opération plus précaire.
D’ailleurs, ma compagne Diane, commençait à avoir plus de difficultés à marcher. Dans les jours qui suivirent, nous découvrîmes qu’une dystrophie musculaire se pointait le nez.
Nous avons donc jugé opportun de visiter et d’évaluer des RPA afin d’en apprendre davantage sur ces établissements.
Nous voulions dénicher un appartement d’au moins 1000 pieds carrés, doté d’un accès à un garage souterrain et d’un ascenseur pour y accéder. En effet, ne serait-il pas judicieux de prévoir que, dans le futur, la vie puisse nous imposer l’utilisation d’un fauteuil roulant, et l’évitement des obstacles que les marches constituent ?
De plus, le déneigement des voitures pendant l’hiver était désormais une tâche à éviter. Nous attachions une importance particulière à la proximité des services usuels et ajoutions à la liste un hôpital aisément accessible.
J’avais 80 ans ! Cet appartement sera de toute évidence le dernier de ma vie. Je devais donc prendre cela en considération. Et surtout, je ne souhaitais pas vivre dans un ghetto comme le décrivait Richard Martineau.
Mon frère et sa conjointe vivaient depuis trois ans dans une RPA composée de deux tours reliées par un corridor, juste en face du fleuve. Ils avaient l’air heureux, et leur bonheur était contagieux.
Ce complexe résidentiel abrite près de 1200 résidents, ce qui permet de proposer une gamme de services et d’activités, ainsi qu’un niveau de sécurité élevé. Nous avons été séduits par le projet. Nous avons donc choisi d’intégrer notre couple en nous appuyant sur les efforts de mon frère et de sa conjointe pour notre intégration.
Un grand avantage est la sécurité nécessaire pour les personnes âgées. Chaque jour, avant 10 heures, nous appuyons sur un bouton qui informe la réception que tout va pour le mieux. Dans le cas contraire, le téléphone sonnera une demi-heure plus tard pour une vérification. En l’absence de réponse, deux préposés se rendront chez nous pour une inspection plus approfondie. Un malaise peut nous avoir frappés, ou il est possible que nous soyons absents sans avoir averti la réception, un oubli fréquent.
Lorsque nous quittons notre place de stationnement en voiture, il suffit de communiquer notre numéro d’appartement pour que la porte s’ouvre. Au retour, la même procédure s’appliquera. Une sécurité bien sentie.
Il y a quelque temps, sans que nous nous en rendions compte, une petite flamme a éclaté sur notre cuisinière. Une fine fumée a suffi pour déclencher l’alarme dans notre appartement, nous alertant de la situation. En quelques minutes à peine, des préposés spécialisés sont entrés dans notre domicile pour éteindre les flammes et évacuer la fumée. Comme la cuisinière était hors service, elle a été remplacée en moins de 30 minutes. Nous avons été rassurés par cette sécurité à l’affût et diligente.
Certains résidents peuvent se sentir à l’aise dans leur logement et en profiter. Il est aussi possible de bénéficier de services et d’activités qui favorisent la création de liens amicaux,
Deux piscines spacieuses sont à leur disposition pour nager des longueurs ou participer à des séances d’aqua-forme. Deux vastes bibliothèques bien fournies offrent la possibilité de s’évader avec des livres récents ou anciens. Des allées de jeu de quilles, des terrains de pétanque ou de jeux de palet, nommés ‹ shuffleboard ›, ainsi que des tables de billard satisfont les désirs de nombreux passionnés. Il y a même deux courts de golf électroniques et un mini-golf sans oublier la salle de dards.
Une grande salle de cinéma peut servir à des séances de cinéma, à diverses conférences et à une messe avec chorale pour une cinquantaine de catholiques pratiquants.
Des ateliers de peinture, et d’autres pour les tricoteuses, de grandes salles avec de nombreuses tables pour les adeptes des casse-têtes, une salle de réception avec tous les équipements de cuisine peuvent recevoir une quinzaine de personnes avec une vue superbe sur le fleuve, tout cela gratuitement.
Une pharmacie, un dépanneur, un salon de coiffure, un bistro, une salle pour les vendeurs itinérants profitent aux résidents. Deux autobus amènent ceux qui n’ont pas d’automobiles aux Centres commerciaux, aux épiceries, aux casinos et aux nombreux spectacles.
Pour organiser toutes ces activités que je viens de citer, il faut compter sur la présence de plus de 200 bénévoles parmi les résidents et de deux récréologues qui profitent tous d’une grande fête chaque année.
À toutes ces activités, je ne peux oublier les si nombreux joueurs de cartes qui accaparent une immense salle. Les danses en lignes attirent de nombreux adeptes qui n’ont pas besoin de partenaires de danses. Il y a plusieurs couples qui résident dans une RPA, mais aussi autant de célibataires. Une majorité de femmes constitue la clientèle.
Une vaste salle à manger avec service aux tables sert une grande clientèle, trois fois par jour, avec deux services. En ce qui nous concerne, nous préférons cuisiner nous-mêmes dans notre appartement et nous complétons le menu par des traiteurs extérieurs.
L’énumération d’activités variées vise à démontrer que la solitude n’est pas exclusivement réservée aux personnes âgées et que la vie dans une résidence pour aînés offre un cadre stimulant pour maintenir les résidents actifs et motivés, souhaitant vivre une vieillesse longue et épanouissante. C’est pourquoi, comme nous, ils quittent la solitude de leur domicile pour profiter de la vie active et cognitive d’une RPA.
La vieillesse que l’on vit à domicile, sans les visites fréquentes, en est une où le temps passe comme une solitude à entretenir. Bien sûr qu’entourée de tant de souvenirs, la nostalgie nourrit les pensées et donne au temps une couleur agréable. Seule une ou des activités comme les expressions artistiques ou le bénévolat actif peuvent enrichir ce temps éloigné de la solitude, solitude qui engendre bien souvent la tristesse.
Ils sont si nombreux ces vieux qui se sont joints aux autres non pas dans un ghetto mais dans un village digne d’apporter à la vie de la vieillesse le contact avec des humains et des activités stimulantes. Une autre façon de vivre dans la joie et le plaisirs ces trop courtes années qui s’écouleront.
En terminant, je souhaite que Richard Martineau puisse visiter une RPA. Je suis certain qu’il modifiera ses propos, qu’il découvrira une autre façon de terminer en beauté une vie qui mérite plus que la solitude.
Claude BÉRUBÉ